Clôture de l’enquête parlementaire sur le SREL: Lettre de Serge Urbany à Monsieur Bodry

Monsieur le Président,

Demain, le 2 octobre 2013, aura lieu la levée des scellés et le transfert des archives des caves du SREL dans les locaux des Archives nationales.

Dans ce contexte, je voudrais revenir à quelques aspects récents intéressant l’enquête sur le SREL et les travaux de la nouvelle commission de contrôle parlementaire après les élections du 20 octobre 2013. C’est pourquoi je vous prie de continuer d’ores et déjà ce courrier au Bureau de la Chambre.

1) Tout d’abord je tiens à rappeler que lors de l’entrevue de la commission d’enquête avec M. Juncker, le 18 septembre, les détails de la conservation aux Archives nationales n’ont pas été clarifiés.

Ainsi il serait prévu que le SREL continuera d’avoir accès à ces fiches qualifiées d’historiques, apparemment sous le contrôle des Archives nationales.

Tout en me demandant pourquoi des fiches historiques, qu’on dit relever de la Guerre Froide, continuent d’avoir un intérêt pour les besoins du renseignement actuel, je me pose des questions quant au déroulement de ces « visites ».

Comment est-il garanti que des fiches ou micro-fiches ne soient sorties, sous quelque forme que ce soit, des Archives nationales par les agents du SREL ?

Comment s’opérera concrètement le contrôle de ces « visiteurs » par les fonctionnaires des Archives nationales ? Par quelle sorte de règlement ?

La commission de contrôle parlementaire recevra-t-elle régulièrement une liste des dossiers consultés et les raisons de cette consultation ?

J’ose par contre espérer qu’on n’est pas en train d’organiser le contrôle des Archives nationales par le SREL. Je suis d’avis que la nouvelle Chambre devra s’intéresser de près à l’organisation des relations entre le SREL et les Archives nationales.

2) Je reviens aussi sur la discussion concernant les cinq personnes qui auraient encore eu récemment des dossiers opérationnels « illégitimes » au SREL.

Un nouveau de ces cas vient de m’être transmis par un fonctionnaire e.r. du Ministère de la Justice.

Ainsi, M. Jean-Laurent Redondo, ayant fait la demande de son dossier, a reçu le 18 septembre 2013 une lettre de M. le Procureur général d’État adjoint Georges Wivenes, président de l’Autorité de contrôle instituée par la loi de du 2 août 2002 relative à la protection des données, dans laquelle celui-ci, à l’occasion d’un contrôle au SREL, en juillet 2013, dit avoir « constaté que des données personnelles vous concernant faisaient encore l’objet d’un traitement dans le cadre d’un fichier opérationnel » (lettre jointe en annexe).

Il y est renvoyé à l’article 5 de la loi du 2 août 2002, qui concerne la légitimité du traitement et qui punit le traitement non légitime d’une peine de prison de huit jours à un an et d’une amende de 251 à 125.000 euros ou d’une de ces peines.

Or, l’autorité « a constaté que le traitement en cause n’était pas légitime (…) et a demandé la radiation. »

La non-légitimité du traitement est par ailleurs motivée par rapport à « l’article 2 de la loi du 15 juin 2004 portant organisation du Service de Renseignement de l’État (qui) définit les missions du service. »

Nous sommes donc en présence d’une violation récente de sa mission légale par le SREL, car celui-ci a informé l’autorité de contrôle de la destruction de ce dossier seulement le 30 juillet 2013.

M. Redondo ignore les raisons de cette observation dont les détails et les dates ne lui ont pas été communiqués.

M. Wivenes s’en est référé à la loi pour motiver cette non-communication du contenu du dossier :

« L’article 17 de la loi du 2 août 2002 relative à la protection des personnes à l’égard du traitement des données à caractère personnel n’autorise pas l’autorité de contrôle à communiquer à la personne concernée le résultat de ces recherches dès lors que le responsable du traitement s’y oppose. »

M. Jean-Laurent Redondo est un membre de déi Lénk et un fonctionnaire du Ministère de la Justice, qui tout au long de sa carrière professionnelle a fait preuve d’une grande loyauté, tant envers les institutions de l’État de droit, qu’envers ses successifs supérieurs hiérarchiques. Il occupe encore actuellement, pendant sa retraite, une tâche partielle auprès de son ministère.

Un dossier « historique » lui a d’ailleurs été également communiqué se référant à des observations mesquines, notamment au niveau de sa famille, pendant les années 70.

J’espère que ce nouveau cas vous persuadera de la nécessité qu’il y aurait eu de continuer l’enquête contre le SREL.

3) Il me semble absolument nécessaire de renforcer les droits de la personne face au traitement des données personnelles.

Il est absolument scandaleux que, dans le cas de M. Redondo, M. Heck du SREL, sous la responsabilité politique de M. Juncker, ait pu s’opposer avec succès, en se basant sur la loi, à la communication au principal intéressé des résultats du contrôle ayant abouti à un constat de non-légitimité du traitement des données personnelles !

Il est aussi inadmissible que des données concernant des personnes observées soient détruites, bien que celles-ci, comme dans le cas de M. Redondo, se fussent expressément déclarées opposées à une telle destruction. Cette destruction est contraire au droit de chaque citoyen de savoir quelles sont les informations qu’une instance étatique, y compris le SREL, détient sur sa personne et a éventuellement transmises à autrui.

Tel qu’indiqué dans mon courrier du 22 août, ce droit (appelé « Grundrecht auf informelle Selbstbestimmung » en Allemagne) se déduit nécessairement de l’article 11(3) de la Constitution concernant la protection de la vie privée.

Voilà pourquoi il est urgent de reconnaître expressément ce droit, y compris le droit à l’opposition contre la destruction des données par la victime d’un traitement illégitime constaté. J’espère qu’en attendant, toute destruction de données et fichiers, qu’ils soient déclarés « historiques », ou bien qu’ils soient plus récents, soit définitivement arrêtée.

J’adresse aussi copie de la présente à la presse.

Veuillez agréer, Monsieur le Président, l’expression de ma parfaite considération.

Serge Urbany

 

Annexe :

demande de son dossier par M. Redondo

lettre du 18 septembre 2013 de M. Wivenes

 

 

logo European Left logo GUE/NGL logo Transform! Europe