Question parlementaire urgente concernant l’accord de libre échange UE-Canada CETA

Monsieur le Président,

Conformément à l’article 81 du règlement de la Chambre des Députés, je vous prie de bien vouloir transmettre à Monsieur le Premier Ministre, Ministre d’Etat et à Monsieur le Ministre de Affaires étrangères et européennes la question parlementaire urgente ci-dessous. L’urgence de la présente est motivée par le fait que le prochain conseil européen, lors duquel il y aurait lieu de soulever ces questions, se tiendra le 30 août:

Selon des informations de presse, l’Union Européenne et le Canada auraient finalisé l’accord économique et commercial global CETA (Comprehensive Economic and Trade Agreement), en négociation depuis mai 2009. Il serait prévu de le parapher le 25 septembre 2014 lors du sommet EU-Canada à Ottawa. Déjà lors du Conseil Affaires étrangères Commerce, le 8 mai 2014, le commissaire européen en charge des négociations, Karel de Gucht, avait indiqué, que dès que l’accord sera finalisé, «les Etats membres disposeront de suffisamment de temps pour examiner le texte final avant qu’il ne soit paraphé». Ainsi, le texte de l’accord aurait été transmis le 5 août aux gouvernements des 28 Etats-membre de l’UE et au gouvernement canadien, afin qu’ils l’analysent avant qu’il soit paraphé par le Premier Ministre canadien, Stephen Harper, et le président (sortant) de la commission européenne, José Manuel Barroso, lors du sommet d’Ottawa le 25 septembre prochain.

L’accord en question, tel qu’il a été publié (leaked) notamment par la ’Tagesschau’ (ARD), confirme toutes les inquiétudes de la société civile quant aux conséquences, y inclus les dispositions concernant la «protection d’investissements» par un mécanisme de règlement des différends investisseur-État, appelé communément ISDS («Investor-state dispute settlement»), permettant aux investisseurs d’attaquer les gouvernements en dehors des tribunaux nationaux en cas de traitement qu’ils jugent injuste. Le fait que le mandat du Conseil européen pour la négociation d’un accord de libre échange avec les USA (TTIP) prévoit également de telles procédures d’arbitrage, a, entre autres, suscité de larges appréhensions ; ainsi au Luxembourg, les ONG et organisations syndicales, la majorité des partis politiques, et le gouvernement même (à travers les déclarions de sont Ministre des Affaires étrangères lors du débat d’actualité le 14 mars 2014 à la Chambre des Députés, dans un interview au ‘Tageblatt’ le 22 mai 2014) se sont opposés à de tels tribunaux d’arbitrage. Dans sa réponse aux questions parlementaires no 301 à 307 concernant le TTIP, le Gouvernement affirma : «Le Luxembourg est d’avis qu’un tel système n’est pas nécessaire avec un pays membre de l’OCDE. A l’instar d’autres ministres du Commerce, Monsieur le ministre des Affaires étrangères et européennes a écrit au Commissaire Karel De Gucht pour lui faire part de la position luxembourgeoise à cet égard.»

Lors du comité commerce international du parlement européen (INTA) du 22 juillet 2014, le commissaire européen Karel de Gucht déclara que «nous avons négocié cet accord sur la base d’un mandat qui nous a été donné par le Conseil des Ministres: un mandat unanime. Le résultat est que le mécanisme ISDS est dans cet accord» ; et «si nous n’avions pas négocié un mécanisme d’ISDS avec le Canada, nous n’aurions même pas respecté notre mandat.»  Rappelons que l’ISDS est également compris dans le mandat du Conseil européen pour les négociations du TTIP ; tout laisse à croire que la commission sortante s’efforce de signer le CETA, avant que la nouvelle commission, qui pourrait être amenée à changer de position, soit mise en place et avant que la large opposition à cet accord ne devienne trop visible.

Il est important de souligner que le fait d’inclure des dispositions ISDS dans l’accord de libre échange UE-Canada, permettra aux entreprises américaines d’utiliser leurs bureaux canadiens pour lancer des procédures d’arbitrage. Autrement dit, l’exclusion d’ISDS dans le TTIP serait finalement inefficace à cause de leur inclusion dans le CETA. C’est entre pour cette raison, que le ministre de l’économie allemand, Sigmar Gabriel, a déclaré ne pas vouloir signer cet accord, qu’il voudrait soumettre au ‘Bundestag’.

Et l’ISDS n’est certainement pas le seul aspect de cet accord qui devrait nous inquiéter.

Dans ce contexte, j’aimerais savoir de Monsieur le Premier Ministre, Ministre d’Etat et de  Monsieur le Ministre de Affaires étrangères et européennes:

(1) Êtes-vous d’accord pour constater qu’une analyse approfondie de l’accord trouvé dans le cadre du CETA est nécessaire et devrait se faire – au Luxembourg – ensemble avec la Chambre des Députés et la société civile?

(2)      Est-ce que le Gouvernement maintient son opposition à un système d’arbitrage? Est-ce que cette opposition vaut également dans les relations avec le Canada, membre de l’OCDE depuis le 10 avril 1961?

(3)      Êtes-vous d’accord pour intervenir au Conseil européen du 30 août prochain pour empêcher l’ancienne commission de parapher ou signer un accord qui devrait faire l’objet d’une analyse approfondie?

(4)      Êtes-vous d’accord pour demander à ce que le projet d’accord CETA, tel qu’il se présente actuellement, de même que le mandat de négociation et les documents connexes, soit publié et fasse l’objet d’un débat public?

Veuillez croire, Monsieur le Président, à l’expression de mes sentiments respectueux.

Justin Turpel,
Député

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