Question parlementaire relative aux liens potentiels entre des sociétés luxembourgeoises et les crimes internationaux en cours dans la bande de Gaza

Monsieur le Président,

Conformément à l’article 80 du Règlement de la Chambre des Députés, je voudrais poser la question parlementaire suivante à Monsieur le ministre des Affaires étrangères.

Dans son ordonnance du 6 janvier 2024, la Cour internationale de Justice a reconnu que les exactions commises par l’armée israélienne dans la bande de Gaza pouvaient être plausiblement qualifiées comme relevant du crime de génocide. Leur qualification comme crimes de guerre et comme crimes contre l’humanité ne fait quant à elle plus aucun doute au regard de la majorité écrasante des experts en la matière.

Dans ce contexte, je tiens à rappeler que le Luxembourg est partie prenante de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide de 1948, des Conventions de Genève de 1949, du Statut de Rome de la Cour pénale internationale de 1998 et du Traité sur le commerce des armes de 2013.

Au titre de ces instruments, le gouvernement luxembourgeois a en effet l’obligation d’empêcher ses agents, ses ressortissants et toute personne résidant sur son territoire de participer à la commission de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité et de crimes de génocide. Cette obligation ne vaut pas seulement pour les personnes physiques. Par le jeu combiné des instruments mentionnés ci-dessus, elle s’étend également aux personnes morales établies au Luxembourg et à leurs dirigeants, y compris aux institutions financières.

Au regard de la gravité de la situation actuelle à Gaza et dans les autres territoires palestiniens occupés, la fourniture d’armes à Israël est susceptible de violer cette obligation. Le Nicaragua vient ainsi d’assigner l’Allemagne devant la cour internationale de Justice pour violation de la Convention sur le génocide et des Conventions de Genève en raison de son refus de mettre fin à ses livraisons d’armes à Israël dans le contexte actuel. Ayant à son tour été confronté au risque d’être assigné devant la CIJ, le Canada vient de décider d’interrompre ses fournitures d’armes à Israël.

Il n’y a aucune raison de penser que le financement de fournitures d’armes doive être apprécié différemment d’un point de vue juridique que cette fourniture elle-même.

Si le gouvernement luxembourgeois laissait de telles activités se dérouler au Luxembourg, il courrait un risque réel d’engager la responsabilité internationale du Luxembourg, y compris devant la Cour internationale de Justice.

Partant, je voudrais poser les questions suivantes à Monsieur le Ministre des Affaires étrangères :

1) Monsieur le ministre peut-il nous confirmer que le transporteur de fret aérien Cargolux n’est pas impliqué dans le transport et la livraison d’armes destinées à l’État d’Israël ? Dans la négative, Monsieur le ministre peut-il nous indiquer quelles mesures le gouvernement compte entreprendre afin d’y remédier ?

2) De manière générale, le gouvernement a-t-il procédé ou entend-il procéder à une enquête approfondie sur les liens potentiels entre des sociétés domiciliées au Luxembourg, y compris du secteur financier, et les crimes internationaux en cours dans la bande de Gaza en vue de se conformer à ses obligations au titre des conventions internationales mentionnées plus haut ? Dans la négative, pour quelles raisons ?

3) Plus particulièrement, la société israélienne cotée en bourse et basée à Luxembourg sous le nom de NSO Group (connue pour son logiciel espion Pegasus) est soupçonnée de mener ou de faciliter des activités jugées illégales au regard du droit européen et du droit international. Le gouvernement luxembourgeois entend-il entreprendre des mesures à l’encontre de cette société ? Dans l’affirmative, lesquelles ? Dans la négative, le gouvernement peut-il justifier son absence d’action ?

Avec mes salutations respectueuses,

David Wagner

Député

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